samedi 28 juillet 2012

Djulé djulé


Une seule heure d’avion permet de passer sans transition de Delhi à Leh. Les deux villes sont en Inde mais le brouhaha constant laisse place à la tranquillité d’une petite ville toisée de tout part par des sommets  partiellement enneigés. Les soirées moites de la capitale indienne ne sont très rapidement qu’un souvenir et sont remplacées par les nuits plutôt fraîches du chef-lieu ladakhi.




Monter nos bagages dans notre chambre s’avère plus difficile qu’à l’accoutumée. Un petit coup de fatigue ? Non, tout simplement le manque d’oxygène dû aux plus de 3000 mètres d’altitude. Deux jours bien chargés nous attendent. En plus de nous acclimater en douceur à ce nouvel environnement, l’objectif de notre étape à Leh est de préparer notre route pour rejoindre Thangso, petit village dans lequel nous passerons quelques jours.  Nous voilà donc bien occupés à réunir les munitions nécessaires en prévision de quelques jours de marche, à organiser le trajet jusqu’au point de départ de cette marche, quelque 500 km plus loin et surtout à prendre quelques forces en profitant de la nourriture tibétaine.



Leh étant la ville de départ de nombreux trek nous n’aurons aucun mal à trouver ce dont nous avons besoin, par contre il est plus difficile de trouver un moyen de transport. Finalement, après quelques tergiversations, nous optons pour un trajet de deux jours en jeep-taxi faute de renseignements suffisants sur les départs en bus. Nous longeons l’Indus pendant toute la première journée, passant pour la première fois au-delà de 4000 m d’altitude. La région est la principale voie d’accès vers le Cachemire tout proche et zone sensible depuis quelques décennies entre l’Inde et son voisin pakistanais. Sur la route, la très forte présence militaire nous le rappelle de même que les fréquents points de contrôles, aubaine pour les habitants du coin pour nous proposer différents mets locaux.






Nous arrivons à Kargil en fin de journée, ville carrefour entre l’Inde, le Pakistan et le Tibet. Dans la rue, les visages et les influences sont hétéroclites et variées, la culture musulmane semblant tout de même prépondérante (des portraits de l’imam Khomeini nous ramène quelques mois en arrière lors de notre périple iranien). Après une très courte nuit dans une rudimentaire chambre, le soleil n’est pas encore levé lorsque nous prenons la route de Padum, ville principale du Zanskar. Les douze heures de route, pardon de chemins, ou plutôt de pistes mal entretenues épuisent notre chauffeur mais nous offre une superbe entrée dans la vallée du Zanskar, de grosses et dodues marmottes nous ouvrent la route. Une épave de bus dans une falaise nous permet d’apprécier notre place en jeep. Le rendez-vous avec notre horseman est pour le lendemain matin.





 Après quelques hésitations sur le lieu de rencontre, nous finissons par rencontrer notre homme. Le temps d’harnacher nos bagages sur deux chevaux  et c’est parti pour quatre jours de marche théorique. 



Nous suivons une longue vallée aride jusqu’au monastère de Pughtal accroché à la falaise. Les chemins sont assez fréquentés, tous les besoins du Zanskar affluent par cette voie à dos de cheval ou de mules. Contrairement aux prévisions initiales, il nous sera possible de visiter le monastère en deux fois, en effet, les chevaux ayant décidés pendant la nuit de reprendre la route sans nous, nous bénéficions d’une tranquille journée d’attente parmi les moines. Les deux bretonnes sont réquisitionnées pour inculquer à ceux-ci quelques notions de cuisines de leur région natale en leur confectionnant, bien sûr, quelques crêpes. La couleur douteuse et foncé des jaunes d’œufs les décontenance quelques peu mais apporte une touche locale à la recette.












L’escapade nocturne de nos chevaux nous vaut par la suite de faire deux étapes en une seule journée, Ketup, notre horseman, étant a priori pressé de rentré à la maison. Cette précipitation engendre quelques négligences de sa part : les bagages mal accrochés provoquent la panique d’un des deux canassons qui s’échappe au galop, nos sacs, les œufs et les bidons de kérosène sous le ventre. Nous récupérons le tout quelques mètres en contrebas du chemin sans trop de casse mais dans un savoureux mélange très odorant.



A la tombée de la nuit et après cette journée riche en émotions, Thangso est enfin en vue, Ketup nous invite à la maison. Nous partageons le diner au coin du poêle régulièrement alimenté de bouses de yack séchées, en compagnie de toute la famille et de Marjolaine et Jasmin deux français auxquels nous contons nos dernières aventures.

Remis de nos émotions après un bon repas, c’est un peu maussade que nous apprenons que notre séjour à Thangso devra être  écourté, Ketup étant censé nous accompagné sur le chemin du retour, souhaite être rentré au village plus tôt, en effet le dalaï-lama a eu la bonne idée de de venir dans la région en même temps que nous et il semble inconcevable pour tout bouddhiste qui se respecte de rater cet évènement. Difficile de lutter contre « His holliness ».


Nous passerons tout de même quatre jours à Thangso, quatre jours délicieux au ryhtme tranquille du village. Nous découvrons la mécanique bien huilée de son fonctionnement communautaire : de nombreuses décisions sont prises après tirage au sort (le rôle de chef du village par exemple), les tâches sont réparties le matin après réunion (quelques-uns aux moulins sur le ruisseau, d’autres à l’amélioration d’un chemin d’accès, encore d’autre aux champs d’orge…)


Dans le même esprit, un roulement est instauré pour décider de quelle famille accueille les nouveaux visiteurs. Notre hôte sera une jeune fille de 11 ans, Kunzang, bavarde et dynamique, secondée par sa tante, la très souriante Faldon. Nous ne manquons de rien et nos deux hôtes nous alimentent avec extrêmement de zèle. Les soirées sont très sympathiques, Kunzang étant douée de qualités d’animation certaines : cours de zanskari, la langue locale, interprétation de chansons indiennes, cours de cuisine (nous mettons la main à la pâte et confectionnons momos et timok), défilé de tenues locales…






Les journées passent très vite au rythme des « djule djule » (expression très pratique exprimant toute forme de politesse à savoir bonjour, au revoir, bienvenu, merci…). En effet nous ne manquons pas d’occupation. Nous apportons un brin de contribution tantôt en s’attelant à la remise en état des fours solaires, tantôt en donnant un coup de main à la construction en cours d’une nouvelle serre. La toilette et la lessive nous prennent du temps et pour cause elles se font dans l’eau du ruisseau dont la température est rafraichissante, c’est un euphémisme. Le fait que Marie soit infirmière s’est répandu comme une trainée de poudre dans le village, elle est ainsi sollicitée pour prodiguer quelques soins, plus symboliques qu’autre chose. Elle ne participe pas aux soins des chevaux assez incongrus : la plaie de l’un est raclée à l’opinel jusqu’à l’os, les vers sont délicatement retiré à la main, un peu de bétadine et une bonne couche de ciment concluent le tout.





Mais le meilleur moment reste peut-être les fins de journée, quand les enfants du village, la plupart la morve au nez, commence à s’attrouper pour jouer, se chamailler ou courir après les marmottes.Parfois nous participons, parfois se délecter du spectacle de leur imagination nous suffit. Très peu farouches, des plus petits aux plus grands, ils nous ont très rapidement adoptés sans aucune arrière-pensée, comme en témoigne les fréquents bouquets d’edelweiss qu’ils cueillent pour nous.






Le chemin du retour vers notre maison s’avère souvent plus long que prévu, n’importe quel prétexte étant sujet à une invitation pour boire un thé ou bien un verre de chhang (alcool local).
Une journée nous dérogeons à nos habitudes et nous partons à la rencontre des Doxa. Les Doxa sont quelques femmes à qui est confiée la production laitière du village. Durant la bonne saison, elles sont installées en altitude, là où les yaks trouvent de quoi brouter, et prennent en charge la traite et la fabrication de tous les produits laitiers (yaourt, fromage, beurre..). Au vue de leurs sourires, notre visite semble les enchanter, nous représentons une animation exotique en comparaison de de leur isolement quotidien. L’accueil est royal et désintéressé : dégustation de fromage frais séchant au soleil, de yaourt tout juste sorti de la marmite, de paymar encore chaud (boule de farine, beurre et sucre) et le tout arrosé bien sûr de thé. Nous déclinons même leur proposition de rester pour la nuit.




























Au bout de quelques jours, nous sommes vraiment très à l’aise au village mais il est l’heure de repartir. Le matin de notre départ, les enfants viennent poser une dernière fois devant l’objectif avec les quelques présents que nous leur laissons. Trois jours de trek nous attendent pour atteindre le premier endroit accessible à un véhicule motorisé. L’ambiance joyeuse du village contraste avec l’atmosphère silencieuse de marche au milieu de paysages montagneux à perte de vue. Quelques traversées de ruisseaux abondants nous rappellent la fraicheur de l’eau




Dès la fin du premier jour de trek, le Shingo-La, col à plus de 5000m d’altitude, se profile à l’horizon. Nous campons avant l’ascension que nous attaquons tranquillement (eh oui l’oxygène se fait de plus en plus rare) le lendemain matin pour la terminer quelques heures plus tard après avoir gravi  quelques glaciers. C’est très satisfaits et soulagés que nous passons le col et profitons de la vue panoramique sur les montagnes du Ladakh. Une longue descente nous attend pour un retour à la civilisation telle que nous la connaissons, par des chemins très escarpés à flanc de vallée valant quelques frayeurs à Nanou, très vite rassurée par Ketup notre horseman.




























Avant d’atteindre Manali, ville dans laquelle nous trouverons du nécssaire pour quelques jours de repos (machine à laver, eau chaude, vrai lit…), nous passons une dernière nuit dans l’arrière-boutique d’une sympathique petite épicerie avant d’accrocher le lendemain matin nos bagages poussiéreux sur le toit du bus. Un fois de plus la route est chaotique mais nous arrivons à Manali et trouvons sur les hauteurs une auberge nous permettant au moins de nous dépoussiérer à l’eau chaude avant de passer à table.





jeudi 12 juillet 2012

Debut de l`ete indien

Depart 6h, c`est parti pour quelques heures de bus nepalais, une trentaine de places mais une soixantaine de passagers s`agglutinant autour du chauffeur, s`installant sur nos genoux, et ce jusqu`a la frontiere.
Depuis le debut de notre voyage, jamais un passage de frontiere ne s`est fait aussi rapidement, 5 min pour le Nepal, 5 min pour l`Inde, et on change de bus pour 3heures de sauna jusqu`a Gorakhpur.

Premier contact avec les gares indiennes, les trains sont bondes, on embarque donc a bord d`un rickshaw qui nous trouve un bus pour rejoindre Varanasi en 7 heures.

Ambiance garantie, les hommes machent le betel, le recrache par les fenetres, d`autres reglent leurs comptes necessitant des arrets, une femme se retrouve ornee d`une enorme bosse apres avoir recu une valise sur la tete, un autre vomit dans l`allee... mais tout semble normal.

A 2h du matin, nous arrivons enfin et laissons un rickshaw nous conduire a la guesthouse de son choix, le proprietaire ne semble pas ravi d`etre reveille par des touristes a cette heure.
Apres une bonne nuit de repos, nous partons nous ballader sur les bords du Gange, assis sur les marches nous observons, papotons et nous faisons accoster par des indiens voulant raser Loic, lui faire un massage, nous apitoyer en nous contant leurs malheurs, mais nous ne cedons pas !



















Un peu plus tard, nous passons devant le ghat ou se deroulent les cremations.
En effet, Varanasi, au bord du Gange, est la ville ou beaucoup d`indiens souhaitent mourir, ainsi ils iront directement au nirvana sans passer par la reincarnation.
C`est pourquoi jour et nuit, nous voyons passer dans les ruelles, des corps enveloppes de tissus colores sur des brancards de bambous portes par les hommes de la famille. Ils sont emmenes sur un bucher et la cremation se deroule a la vue de tous, environ une cinquantaine par jour.
Certaines personnes n`ont pas besoin d`etre purifiees par le feu et sont jetees directement dans le Gange, on peut voir un corps flotter ici et la...


Le soir nous assistons a la ceremonie quotidienne dediee a Shiva, des fleurs, de l`encens sont donnes en offrande, des centaines de petites bougies flottent sur le fleuve.


Ici les vaches sont partout, jusque dans les plus petites ruelles, laissant derriere leurs fientes, dans lesquelles Loic n`hesite pas a mettre les pieds, ca donne la peau douce.



Le soir, nous mangeons sur la terrasse de notre guesthouse, nous ne manquons pas d`animation, les singes menent une vie parrallele sur les toits de la ville, on aurait presque envie d`aller sauter dans les flaques avec eux.


La mousson commence tout doucement, nous nous retrouvons sous un orage, nous nous hatons pour rentrer quand les indiens sortent heureux de chez eux, certains nous crient `good weather` !
Loic n`etant pas tout a fait a l`aise par ce temps, se precipite dans les escaliers, les deboulent, et atterrit la tete la premiere, les mains dans un savant melange verdatre, interrompant un match de criquet.
Quelques secondes de silence et Loic autorise les jeunes a rire, il sait mettre l`ambiance !



Juste le temps de nettoyer tout ca, et nous partons faire un tour de bateau sur le Gange, une toute autre vision des quais nous apparait, en fin de journee les gens viennent se baigner, boire une petite gorgee de cette eau sacree...(ment sale!), laver leur linge.



















Notre guide prend un malin plaisir a nous emmener sur l'autre rive pour humer et voir de plus pres squellettes et corps en decomposition.
Nous assistons au debut de la ceremonie et sommes aux premieres loges pour voir les pretres hindous honorer la deesse Shiva. C'est sur cette note coloree que nous quittons Varanasi.




Enfin nous allons tester le train indien pendant quelque 19h, nous nous installons a nos places dans la ''sleeper class''. Quelques arrets plus tard, une famille debarque et nous nous retrouvons a quinze dans un compartiment prevu pour 6. Loic et moi elaborons notre strategie pour reussir a nous allonger sur nos couchettes.  Nous croyons naivement avoir reussi, quand dans la nuit, une fille vient se lover contre moi, un jeune homme s'installe en boule a mes pied, quant a Loic, il dormira en compagnie des pieds d'un gamin installe tete-beche a cote de lui. 
Nous comptons un peu les heures, mais arrive a Delhi nous partons a la recherche de Daniel, chez qui nous trouverons un accueil extra.

Quelques heures apres notre arrivee, il nous emmene a la ''pool party'' hebdomadaire dans un hotel. En quelques heures nous passons des banquettes collantes de la classe populaire du train indien a la douceur des transats de la piscine d'un cinq etoiles, quel contraste! Nous passons une superbe apres-midi, nous delassant dans l'eau et buvant quelques bieres.


Nous decidons de rentrer, mais Daniel nous concocte un tout autre programme, glissant au bord de la piscine, il se fracture la clavicule, ce qui nous permet de visiter les urgences indiennes. L'atelle en place, nous rentrons pour diner comme prevu.


Les deux jours suivants, nous visitons un peu Delhi, le Fort Rouge (et ses ecureuils), l'Indian Gate, le metro et nous nous promenons de rues en rues, passons un peu de temps au frais dans la salle d'attente d'un chirurgien avec notre hote et profitons du confort de sa maison.
Anne-Claire, la deuxieme des Bertin, nous rejoint avec dans ses bagages vin rouge, camembert et saucisson. Nous degustons ces mets exotioques en Inde au cours d'une derniere soiree avant de partir pour les montagnes du Ladakh, pour Daniel de passer sur le billard!

N.B Comme vous avez pu le constater, les claviers indiens n`ont pas d`accent, veuillez nous en excuser !